Journalisme de solutions et urgence climatique dans les médias : une journée avec Sparknews à Médias en Seine
Mardi 8 octobre 2019, Sparknews était fier de participer à Médias en Seine pour la deuxième année consécutive. Le festival, organisé par Les Echos et France Info, était l’occasion de débattre et construire les médias de demain. Sparknews organisait notamment plusieurs séquences sur le journalisme de solutions et la place des questions climatiques dans les médias.
Cette journée de festival a débuté avec un atelier de rencontre et d’échanges entre journalistes. Les intervenant•e•s ont discuté du positionnement qu’ils et elles adoptent face à la crise climatique en tant que supports d’information. Jusque très récemment, les termes de “CO2”, “réchauffement climatique” ou “disparition de la biodiversité” étaient des mots presque exclusivement employés par les scientifiques. Les médias non spécialisés traitaient peu de ces sujets ou alors de façon parfois abstraite, déconnectée de la réalité ou trop confondantes pour les lecteurs non-avisés. Un traitement inadéquat qui explique partiellement pourquoi le public était jusqu’alors aussi peu réceptif. Depuis, une prise de conscience généralisée a eu lieu. Les médias sont aujourd’hui attendus au tournant par une audience attentive qui considère leur rôle d’informateurs comme essentiel.
Mais comment aborder ce sujet ? Pour Catherine Nayl, directrice de l’information chez France Inter, le journalisme de solutions est à considérer, prenant pour exemple la campagne Le plastique, non merci organisée par France Inter et Konbini en début d’année. Les deux médias ont non seulement informé leur audience mais aussi mis en avant des initiatives luttant effectivement contre le plastique; une couverture médiatique qui contribue à l’évolution des comportements. Valérie Martin, cheffe du service mobilisation citoyenne et médias de l’ADEME, a mentionné l’indicateur Greenflex de L’ADEME selon lequel “86% des français·e·s aimerait vivre demain dans une société où la consommation prend moins de place”.
Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Jon Henley, correspondant Europe du Guardian a rappelé que le choix des mots et la précision des termes sont essentiels.The Guardian est d’ailleurs le premier journal à avoir changé sa charte éditoriale pour ne plus parler de “changement climatique” mais de “crise/urgence climatique”. Selon lui, les médias doivent s’engager et mettre en avant la gravité de la situation, pour qu’elle devienne concrète et abordable pour la population. L’enjeu est également de trouver un juste milieu pour alerter suffisamment sans devenir anxiogène.
Il est donc primordial pour les journalistes d’être bien formé•e•s sur les questions climatiques pour pouvoir transmettre l’information. C’est pour cela que Olivier Aballain, responsable pédagogique à l’académie ESJ Lille, a créé le master 2 “Changement climatique et médias”. Celui-ci a pour but d’enseigner aux journalistes et communicant·e·s les clés de compréhension des travaux scientifiques dans la matière et les meilleures façons d’en parler.
Et quand ces médias traditionnels ne s’emparent pas assez des questions climatiques, comme l’affirme Magali Payen dans cet entretien, ce peut-être au tour des créateur·ice·s de contenu. Que ce soit sur Youtube, Instagram ou Twitch, les vidéastes n’hésitent pas à encourager le passage à l’action et à montrer l’exemple.
Plus tard dans la journée, Magalie Payen est venue présenter le mouvement On Est Prêt, accompagnée par la youtubeuse Céline Holynski (connue sous le nom de Céline H).En novembre 2018, la campagne On Est Prêt réunissait plus de 80 créateur·ice·s français·e·s autour de trois sujets: l’alimentation, la consommation et la mobilité.Chaque jour pendant un mois, un•e créateur•ice proposait un défi engagé à sa communauté.
Jonathan Paterson a ensuite présenté un cas d’école autour du journalisme de solutions. Selon lui, les attentes du public ont évolué face aux questions environnementales et les médias doivent s’y adapter. Le choix de la BBC a été de ne pas toujours adopter un angle dramatique, qui prévaut dans les rédactions, pour plutôt déconstruire les problèmes avec le journalisme de solutions. Le journaliste a précisé que ce parti pris ne visait en aucun cas à minimiser la situation mais bien à donner au public de nouveaux outils de réflexion pour susciter un débat. Il était revenu d’ailleurs plus tôt dans la journée sur les nouveaux lieux de débat dont l’information sur les réseaux sociaux.
Nous avons clôturé cette journée avec une table-ronde sur la prédominance de l’urgence climatique dans les rédactions. Pilita Clark, éditorialiste et rédactrice associée au Financial Times, a évoqué une bascule dans l’intérêt porté à ce sujet ces dernières années. Longtemps mis au second plan, il est en effet devenu un réel sujet de société.
Cette médiatisation croissante du climat reflète une évolution de l’engagement des supports de l’information. Leur défi est cependant de traiter ces sujets avec le juste ton. Dominique Seux, directeur délégué à la rédaction des Echos, a expliqué que pour lui, les médias se doivent d’être engagés sans être militants. Takis Candilis, directeur général délégué à l’antenne et aux programmes de France Télévisions, a quant à lui souligné le besoin pour la profession de se mobiliser et de rassembler les Français•e•s pour trouver ensemble des solutions d’avenir.
Cet engouement médiatique autour de l‘urgence climatique est-il seulement un effet de mode? Malgré l’existence du sujet depuis plusieurs décennies, le sujet climatique n’avait jusqu’alors pas réussi à s’inscrire durablement dans les grands titres. Seulement la conscience du public sur ces questions a considérablement évolué depuis. Les intervenant•e•s sont unanimes: cette fois-ci parler climat n’est pas un effet de mode mais bien une nécessité. Une bonne jauge pourrait être la suite des discussions lors de la troisième édition de Médias en Seine en 2020.