Repenser notre rythme de vie en temps de Covid-19
Chez Sparknews, nous croyons que les temps de crises, comme ils balaient nos certitudes, sont également de belles opportunités pour nous adapter et repenser nos rapports au monde. Pour une équipe qui tente de faire émerger de nouveaux récits pour accélérer la transition écologique et sociale, nous nous devons d’interroger quels récits germent de cette catastrophe planétaire qu’est le CoVid-19. Dans la #SparkMinute de cette semaine, nous nous intéressons à notre rapport au temps à travers de belles initiatives locales, des exemples d’entreprises qui s’engagent et repensent leurs modèles et des prises de positions qui nourrissent nos imaginaires.
La force est du côté des lent·e·s ~ Milton Santos
Quand les organisations s’engagent
Qu’est-ce qu’une “ville lente” ou slow city ? La démarche qui allie développement durable local et qualité de vie se développe mais reste encore l’apanage de petites villes, comme Mirande, une commune de 3 483 habitant·e·s du Gers ou bientôt Lourdes. Concept né en Italie en 1999, la « cittaslow » prône un retour à un rythme de vie apaisé et raisonné avec un contrôle de la pollution sonore, la sauvegarde des monuments historiques ou encore la promotion des traditions et des produits locaux. Découvrez dans cet article d’Up Magazine les différents avantages de ces villes à vitesse humaine.
Face à l’urgence sanitaire, difficile de ne pas perdre de vue l’importance du temps dans le soin. À contre-courant de la tarification à l’acte, Buurtzorgest une entreprise hollandaise où les infirmièr·e·s prennent le temps de boire un café avec les patient·e·s. Au cours de la pandémie, l’équipe s‘est appuyée sur ce qui fait sa force : son organisation décentralisée où les infirmièr·e·s forment des équipes indépendantes. Découvrez-en plus dans l’Esprit d’Initiative sur France Inter. Une autre vision des soins qu’on retrouve dans le cabinet médical de soins de proximité Ipso Santé à Paris.
Pour relancer l’économie, nous pourrions aussi travailler moins (et prendre le temps). Plusieurs pays, la Nouvelle-Zélande en tête, envisagent de réduire le temps de travail hebdomadaire, créant ainsi des week-ends prolongés. Cet article de We Demain présente des exemples d’entreprises françaises et étrangères qui ont sauté le pas. Perpetual Guardian, une entreprise néo-zélandaise, propose depuis 2018 à ses 240 salarié·e·s de travailler sur 4 jours et a observé une baisse considérable de leur niveau de stress. Pour la branche japonaise de Microsoft, réduire le temps de travail a aussi été synonyme d’économies de ressources et pour la chaîne de fast-food Shake Shack de fidélisation des employé·e·s.
Dès 2011, l’anthropologue Joël Candau alertait« Chercher, réfléchir, lire, écrire, enseigner demande du temps. Ce temps, nous ne l’avons plus, ou de moins en moins [… ] Nos institutions [scientifiques] promeuvent une culture de l’immédiateté, de l’urgence, du temps réel, des flux tendus, des projets qui se succèdent à un rythme toujours plus rapide.” Conséquence : une production scientifique démultipliée mais dont la qualité est régulièrement critiquée, d’où le besoin d’une science plus lente ou slow science, un concept également défendu outre-Rhin. La crise du coronavirus, en vidant les paillasses et les bancs d’amphithéâtre, a offert une ébauche de slow science de circonstance à quelques chanceux·ses. A lire dans Le Monde.
Initiatives locales contre désordre global
Aller moins vite pourrait également être meilleur pour la planète, la qualité de l’air et nos factures. Lundi, la Convention Citoyenne pour le Climat a rendu ses propositions dont la limitation de la vitesse à 110 km/h sur l’autoroute. Passer de 130 à 110 km/h permettrait en effet de baisser les émissions de gaz à effet de serre de 20 % en moyenne sur ces transports, d’économiser 1,40 euro par 100 km en moyenne sur le coût des carburants et de baisser la mortalité et les dommages corporels sur les routes. Découvrez les autres propositions dans Le Monde ainsi que leur analyse par le site spécialisé Contexte.
Dans le passé, la mode se déroulait sur des cycles plutôt longs, le rythme s’est ensuite accéléré. Perturbatrices du cycle classique de collections biannuelles, les enseignes de fast fashion du type Zara ou H&M ont contribué à une mode en continu soutenue par des achalandages quasi hebdomadaires. Des créatrices et créateurs tentent néanmoins de créer une mode durable et désirable. Retrouvez la conférence organisée sur ce thème par Les Canaux dans leur festival de l’été de l’économie engagée. Au programme : divers structures engagées dans la slow fashion dont Fashion Revolution France, le Collectif Ethique sur Etiquette, ou l’école de mode Casa 93.
Qui n’a pas pesté contre des produits bas de gamme qu’il faut remplacer sans arrêt car ils ne survivent pas à l’épreuve du temps ? Dès les années 1920, un concept redoutable a été mis au point : l’obsolescence programmée. « Un produit qui ne s’use pas est une tragédie pour les affaires« , lisait-on en 1928 dans une revue spécialisée. Toujours dans le cadre du festival de l’été de l’économie engagée, participez à la projection du documentaire « Prêt à jeter« , de Cosima Dannoritzer et coproduit par Arte France, suivie d’une table-ronde avec l’équipe du film et Samuel Sauvage, de HOP // Halte à l’obsolescence programmée. Rendez-vous sur Imago TV ce soir à 20h pour une projection en ligne.
Et si on imaginait plus loin ?
En quoi le confinement a-t’il “remis les pendules à l’heure” ? Dans une tribune à Libération, la philosophe et psychanalyste Hélène L’Heuillet nous invitait fin mars à ne pas voir en le temps un ennemi. Plutôt que «l’occuper», le «passer», voire de le «tuer», elle encourageait plutôt à l’ennui. “Quand le réel nous tombe dessus, les voiles se déchirent un peu. La vie peut cesser de se dérouler sur le mode automatique de l’accélération et de la hantise du retard dont nous nous contentons souvent en oubliant l’essentiel : le sentiment de vivre dans le temps.” Vivre dans le temps, c’est aussi accepter un sentiment aujourd’hui décrié : la fatigue. Dans cet entretien au Temps, le philosophe Eric Fiat nous encourage à ne plus chercher à combattre nos épuisements, mais à y déceler au contraire l’affirmation de notre réjouissante humanité. À lire ici et ici.
Il y a même une certaine forme de subversion dans le choix de la lenteur. Pour l’historien Laurent Vidal, auteur du livre Les Hommes lents : résister à la modernité, la lenteur est devenue une arme subversive, un outil de résistance à une époque où nous vivons des rythmes effrénés. Dans cette enquête sur les traces de la vitesse, il revient sur la construction de la Modernité sur une discrimination, fondée sur la vitesse érigée en vertu sociale, entraînant des injonctions à l’efficacité et à la promptitude. Un ouvrage à lire en parallèle de L’éloge du retard d’Hélène L’Heuillet, comme ici sur France Culture. À écouter ici et ici.
Chaque semaine, la minute Spark c’est une invitation à découvrir les initiatives face à la pandémie qui nous inspirent mais aussi nous permettent de réfléchir à l’après. Nous sommes persuadé•e•s que cette crise renferme de précieux enseignements sur notre système économique mondialisé. Qu’il s’agisse d’éducation, de solidarité, de rapport au travail ou au vivant, à nous de refuser de revenir au statu quo une fois la crise sanitaire passée. Découvrez les éditions consacrées à l’éducation, l’énergie, le travail, l’alimentation, la biodiversité, la démocratie, les biorégions, le genre, la solidarité et l’économie circulaire.