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Repenser la solidarité en temps de Covid-19

Chez Sparknews, nous croyons que les temps de crises, comme ils balaient nos certitudes, sont également de belles opportunités pour nous adapter et repenser nos rapports au monde. Pour une équipe qui tente de faire émerger de nouveaux récits pour accélérer la transition écologique et sociale, nous nous devons d’interroger quels récits germent de cette catastrophe planétaire qu’est le CoVid-19. Dans la #SparkMinute de cette semaine, nous nous intéressons à la solidarité à travers de belles initiatives locales, des exemples d’entreprises qui s’engagent et repensent leurs modèles et des prises de positions qui nourrissent nos imaginaires.

Volunteers at Covid Relief Bangkok - #herCOVIDstory © UN Women / Ploy Phutpheng

Liberté, Égalité, Fraternité, Solidarité ?

En cette période de pandémie, la solidarité semble devenue le mot d’ordre, souvent montrée par des actions simples comme applaudir aux balcons, coudre des masques ou fabriquer des visières pour celles et ceux en première ligne ou donner de son temps, de son énergie ou de son pécune auprès d’associations, de collectifs ou de groupes informels. La solidarité serait-elle devenue la suite logique de notre devise républicaine : liberté, égalité, fraternité, solidarité ?

Les démonstrations de solidarité ont en effet essaimés ces derniers mois alors que les rues étaient désertes. Du quartier de la Paillade à Montpellier à Oran, de la Seine-Saint-Denis à Béjaïa en Algérie ou à travers le Maroc, des vocations de bénévoles se sont révélées. Près d’un septième des résident·e·s en France a reçu de l’aide de ses voisins, des personnes considérées comme n’étant pas des « amis proches », qui se sont mobilisées uniquement parce qu’elles vivent à proximité. Alors que les mesures de confinement ont pénalisé le secteur associatif, qui a dû mettre à l’arrêt la plupart de ses activités rémunératrices et dont les bénévoles âgés ont dû rester chez eux, une nouvelle solidarité voyait-elle le jour ?

Étymologiquement, le mot vient du latin solidus, qui signifie : solide, massif, formant un tout. La solidarité nous invite à faire corps, à nous lier les un·e·s aux autres par une obligation morale réciproque. La crise planétaire que nous vivons a en effet rendu cet engagement à l’autre et au groupe fondamental. Les personnes âgées sont toujours confinées, dépendantes des un·e·s et des autres pour les nourrir, les soigner et les divertir. Les familles les plus précaires ont vu leurs faibles revenus fondrent comme neige au soleil, que les habitant·e·s des quartiers populaires ont été disproportionnellement touché·e·s par la maladie et les migrant·e·s enfermé·e·s dans des conditions sanitaires  désastreuses.

Nous n’avons ainsi pas tous et toutes vécu le même confinement et nous ne nous déconfinons également pas sur un pied d’égalité. Pour l’autrice et militante écologiste américaine Naomi Klein, la pandémie, comme les autres catastrophes qui ont pu frapper les États-Unis ces dernières années, s’inscrit dans les lignes de faille des inégalités et des injustices préexistant à la crise. Difficile de parler d’exception américaine quand la Seine-Saint-Denis, le département le plus jeune et le plus pauvre de France, a payé un si lourd tribut à la pandémie avec un taux de surmortalité qui y a bondi de près de 130 % entre le 1er mars et le 27 avril par rapport à la même période en 2019. Les dernières manifestations en France, et dans le monde, contre les violences policières sont en ce sens un puissant rappel des héritages inégalitaires qui continuent d’irriguer notre présent.

La crise sanitaire a été le révélateur mais aussi l’accélérateur des inégalités. Également nées de cette crise, de nouvelles formes de solidarité ont recréé des liens par-delà les préjugés. Vous trouverez dans cette dixième édition de notre newsletter différents exemples de personnes qui s’y adonnent quotidiennement, et ainsi érigent la solidarité à la hauteur des valeurs de liberté, égalité et fraternité.

Quand les organisations s’engagent

En temps normal, les membres du comité de l’umudugudu, ou « village » en kinyarwanda, la langue nationale du Rwanda, veillent à la sécurité, à la propreté et au climat social de leur quartier. Ces 15 000 umudugudu, rassemblant chacun entre 100 et 200 familles, ont joué un rôle fondamental dans la distribution alimentaire et les autres formes de solidarité. Dans le quartier de Kacyiru, à Kigali, l’élu Félix Ufiteyezu a ainsi dressé la liste des personnes vulnérables de son “village”, notamment celles qui ont perdu leur emploi, puis récolté les dons des habitant·e·s les plus riches du quartier pour pouvoir organiser des distributions de nourriture. En savoir plus dans Le Monde.

En France, ce ne sont pas des entités administratives mais les Régies de quartier ont également été des lieux forts de solidarité grâce à leur ancrage territorial. Implantées sur l’ensemble du territoire national, les 131 Régies de Quartier et Régies de Territoire couvrent ainsi 320 quartiers prioritaires où vivent plus de 3 millions d’habitant·e·s. Ces associations emploient de nombreuses personnes en réinsertion dans des secteurs divers comme l’entretien des espaces verts, la propreté ou encore des recycleries. Découvrez dans La Nouvelle République et Ouest-France comment elles se sont adaptées à la crise sanitaire notamment en développant de nouvelles offres.

Afin de faire face à l’épidémie de coronavirus, des rédactions du journal breton Ouest-France ont lancé des groupes d’entraide locaux. Sur les groupes de Rennes, Saint-Malo, Redon, Vitré et Fougères, plus de 1790 personnes ont échangé, se sont organisés et ont partagé des initiatives solidaires. Les particuliers se sont également rassemblés sur les réseaux sociaux, et notamment dans les « groupes » Facebook selon Le Monde.

Dans les logements intergénérationnels d’Un Toit 2 Générations ou Habitat et Humanisme, des jeunes vivent chez des personnes âgées pour rompre l’isolement de ces dernières. Dans ce joli reportage de Reporterre, découvrez comment la peur du virus a mit fin à certains contacts entre ces colocataires pas comme les autres tout en offrant d’autres occasions de tisser des liens, que ce soit autour de pots de confiture ou de jardinage.

Initiatives locales contre désordre global

Au plus fort du mouvement des gilets jaunes à Bordeaux, les street medics baptisés «Croix bleues»s’étaient illustrés en prodiguant les premiers soins aux manifestant·e·s blessé·e·s. Libération nous apprend que cette quarantaine de bénévoles, infirmièr·e·s, kinés, médecins ou aides-soignant·e·s de profession, sont de retour sur le terrain pour soigner bénévolement les sans-abri de la capitale girondine. Les personnes vivant dans la rue ont en effet des besoins criants de soins de premiers secours mais aussi de soutien psychologique et d’éducation aux gestes barrières.

Et pour organiser l’entraide de proximité, on peut utiliser le kit « Coronavirus : et si on s’organisait entre voisins ». Gratuit, ce kit est disponible  sur le site Voisins Solidaires comprend des tracts à glisser dans les boîtes aux lettres, un panneau sur lequel inscrire les offres de services et les besoins ainsi qu’un annuaire des voisins, sur lequel noter e-mail et téléphone. En s’appuyant sur un réseau de 1 400 mairies, le kit a été téléchargé plus de 500 000 fois soit c’est 10 fois plus que celui consacré à la « Canicule » en 2018 selon cet entretien d’Atanase Périfan au Monde.

La solidarité passe aussi par l’empathie et la rencontre. Allomondo est une initiative de SINGA qui propose de développer l’amitié entre les peuples avec des coups de fil. Sur la plateforme en ligne AlloMondo, il suffit de remplir un court formulairepour être mis en relation anonymement avec des nouvelles et nouveaux arrivant·e·s pour qui se faire des ami·e·s en France est le premier pas vers l’inclusion. Pour lancer la conversation, Allomondo soumet un questionnaire spécialement pensé pour briser la glace et réfléchir ensemble sur différentes visions du monde, de l’avenir, de l’autre.

Vous souhaitez vous engager au service des personnes réfugiées et déplacées ? Techfugees France recherche des bénévoles ! Cette organisation lancée en 2015 développe des solutions technologiques aux besoins particuliers des réfugié·e·s. Depuis l’année dernière, le programme-pilote Tech4Women accompagne par exemple douze femmes réfugiées dans leur insertion sur le marché numérique français. Rendez-vous mercredi 17 juin 2020 à 18h pour une conférence (en ligne) de présentation de l’équipe actuelle et de leurs projets en cours.

Avec la pandémie de Covid-19, le racisme, les inégalités et la vulnérabilité que connaissent les personnes noires dans le monde entier ont été exacerbés. Les dernières mobilisations contre ces injustices ont montré la nécessité pour chacun·e de mieux comprendre cet héritage de racisme pour aller de l’avant. Avec cet objectif, l’UNESCO et le Programme des Nations Unies En mémoire de l’esclavage organisaient une conférence de 20 minutes sur « Confronter ensemble l’héritage de l’esclavage : le racisme », disponible en ligne.

Les Cuistots Migrateurs c’est un traiteur qui nous fait voyager grâce aux talents de chef·fe·s réfugié·e·s depuis quelques années. Distanciation sociale oblige, cette entreprise sociale d’une vingtaine de personnes a dû se réinventer au cours des derniers mois. Leur Pop Up parisien a récemment rouvert et se transforme en boutique traiteur avec vente à emporter, livraisons et une offre Lunch Box pour les entreprises en manque de cantine. Vous pouvez aussi écouter l’histoire de ces Cuistots et de leur adaptation au contexte dans le podcast Fait Maison.

Et si on imaginait plus loin ? 

Quel visage prend la solidarité en temps de crise ? Pour répondre à cette question tentaculaire, le média des chercheuses et des chercheurs The Conversation propose un dossier exhaustif en ligne. Y est abordée la solidarité organisée au niveau local, entre voisins, entre inconnu·e·s, mais aussi national et international. Le politologue Ettore Recchi et le sociologue Tommaso Vitale abordent par exemple les nouvelles formes d’engagements, caractérisées par le remplacement des volontaires engagés dans l’aide organisée par des personnes plus jeunes. Les chargées de recherche à l’ESSEC Gaétane Lefèvre et Eléonore Delanoë s’interrogent quant à elles sur comment “donner efficacement” et les psychologues Amira Karray et Daniel Derivois reviennent sur la place de la solidarité dans la résilience des sociétés. À lire ici.

D’où viennent celles et ceux qui se consacrent à la solidarité ? Pour un rapide tour d’horizon, nous vous conseillons le podcast Clichés, co-produit par la Croix-Rouge française et Louie Media. Ces épisodes de 20 minutes donnent la parole tous les mercredis aux personnes qui, un jour, ont décidé de s’engager pour elles et pour les autres. Il y a Sabrina Albayrak qui après avoir grandi dans le sillon d’une mère aide-soignante décide de créer des dispositifs pour que les personnes âgées restent libres de leurs décisions jusqu’à leurs dernières heures. Colette Biot, ancienne photographe professionnelle, va à la rencontre des personnes en précarité en milieu rural avec Croix-Rouge sur Roues. Enfin, on découvre le parcours de Maha Habib, elle même arrivée de Syrie il y a quelques années à peine, qui guide les nouvelles et nouveaux arrivant·e·s dans leurs premiers pas en France. À écouter ici.

Le moteur de la solidarité pourrait bien être l’utopie. Dans le cadre de leur nouveau projet Utopie(s), le collectif Data Gueule nous livre cet entretien avec la politologue Réjane Sénac, autrice de « L’égalité sans condition« . Plus récemment, elle a effectué 120 entretiens dans tous les horizons de l’activisme en France et en tire la conclusion que pour ces personnes engagées à penser un autre monde (idéalement meilleur), l’utopie apparaît désormais comme « le seul réalisme possible ». Elle revient sur l’objectif d’émancipation commun entre des luttes aussi diverses que l’antispécisme, le féminisme, la lutte contre la pauvreté ou les Zones À Défendre (ZAD). À regarder ici.

Chaque semaine, la minute Spark c’est une invitation à découvrir les initiatives face à la pandémie qui nous inspirent mais aussi nous permettent de réfléchir à l’après. Nous sommes persuadé•e•s que cette crise renferme de précieux enseignements sur notre système économique mondialisé. Qu’il s’agisse d’éducation, de solidarité, de rapport au travail ou au vivant, à nous de refuser de revenir au statu quo une fois la crise sanitaire passée. Découvrez les éditions consacrées à l’éducation, l’énergie, le travail, l’alimentation, la biodiversité, la démocratie, les biorégions et le genre.

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